Examen BlackBerry

Présenté en compétition à Berlin, Blackberry raconte l’ascension improbable mais disruptive d’une nouvelle technologie et son effondrement brutal entre ironie et tension du thriller. L’avis de Mauro Donzelli.

Autre qu’un garage en Californie, un gros plan de tôle et d’amiante à Hamilton, Canada. L’histoire des innovations technologiques entre le siècle dernier et celui que nous vivons regorge de nerds improbables capables de révolutionner notre quotidien, et par conséquent les marchés. Les pionniers de l’obsession des startups d’aujourd’hui, qui avant La théorie du Bing Bang ils ont démontré l’hybridation féconde entre la mastication de la pop culture, de la BD, du jeu vidéo, du cinéma… avec les perspectives économiques. Le Canada a toujours été le cousin amical des Yankees, comme les Belges pour les Français.

C’est aussi pour cette raison qu’il y a cette (vraie) histoire d’ascension vertigineuse – jamais comme l’effondrement vertical soudain, mais avec des raisons très claires – de Mûres. De plus, le nom de l’entreprise a toujours été RIM, Research in motion, mais pendant de nombreuses années, entre les années 90 et le début des années 00, Blackberry a représenté, surtout outre-Atlantique, un changement radical dans l’usage du téléphone portable, capable à ce moment-là de permettre d’écrire et de recevoir de longs mails grâce à un clavier physique bien faitet un système serveur capable, dans un premier temps, d’envoyer chaque message en temps réel.

Mais qui était derrière tout ça ? Cette histoire nous dit entre satire et histoires de réussite, qui ne pouvait provenir que du pays de l’érable. Directeur, Matt Johnson, s’est taillé le rôle du plus nerd des nerds, qui, avec son meilleur ami, le vrai cerveau et propriétaire de l’entreprise, a construit la base d’innovation technologique de la jeune entreprise. Il le joue Jay Barucheltrop caractérisé, entre coiffure et maquillage, pour marquer la césure cruciale, le passage de l’ingénieur taciturne, incapable de crier et encore moins de tirer ou de taper du poing quand il le faut, et celui de ces derniers temps, où son obsession devient caprice et obstination à ne pas céder à la révolution tactile lancée par l’iPhone qui a ruiné le Blackberry en un instant, après une rapide agonie. La mûre remplacée par la pomme.

L’histoire d’un précurseur trop attaché à son innovation pour appréhender les temps qui changent, passant du nouveau qui avance à l’ancien qui perdure et se conserve, représente l’élément le plus intéressant de ce drôle de film, avec les racines canadiennes et périphériques de ceci contre l’histoire technologique à des milliers de kilomètres de la Silicon Valley. Un désenchantement que même Johnson ne parvient cependant pas à surmonter, tout comme son protagoniste, restant attaché au ton pionnier – et à un abus de caméra à l’épaule – et manquant du changement de rythme dans le histoire de l’oscillation humaine entre succès et échec. Il séjourne dans cette pièce open space pleine de références à Star Wars et au gaming, entre soirées cinéma, débardeurs colorés, bermudas et tongs.

Génie et application pratique capable de gain économique et social, communication en changement radical. Ce sont les thèmes abordés par Mûresqui avec une certaine efficacité à souligner l’obsession de la perfection du protagoniste, représentée par un bruit blanc constant pour le tourmenter quand quelque chose ne va pas. L’irruption habituelle du vil intérêt pécuniaire est moins efficace, d’un partenaire qui saisit la portée de leur prototype avec clairvoyance, issu de la lutte entrepreneuriale brute. Il crie et exige, avec une arrogance pour compenser la politesse excessive de son CO-CEO. Quand surgit la pomme du péché qui corrompt l’Eden, les compromis et les tentations qui ruinent l’homme, alors Blackberry revient au commun, au standard et au mou.