Sous Paris Review

Xavier Gens réalise un film qui, pour les amateurs du genre, ne manquera pas de donner satisfaction. Aussi parce qu’imaginer un requin mutant nageant dans la Seine est une idée forcément séduisante. La critique d'Under Paris de Federico Gironi.

« Tu vois… il y a aussi des piranes dans la rivière !
Nous nous souvenons tous de cette phrase, prononcée par une infirmière indolente, en commentaire des histoires décousues d'Enzo de Beaucoup, sous le soleil de plomb de Rome en août. Non, rivière, c'est-à-dire que dans le Tibre, il n'y a pas de piranhas. Il y a de tout, mais pas des piranhas. Ils en ont capturé quelques-uns dans le Pô ces dernières années, mais cela n'a pas d'importance : surtout parce que dans le Pô se trouvent des poissons-chats bien plus horribles et effrayants. Pourtant non, il n’y a aucune trace de requins dans nos cours d’eau douce. Heureusement.
Mais au-delà des Alpes, comme ils y ont de la grandeur, ils se sentent toujours supérieurs, ils pensent qu'ils sont toujours arrivés avant nous, qu'il s'est passé quelque chose. Au moins au cinéma. Ou plutôt : dans un film. Dans Sous Paris.

L’idée, il faut l’admettre, est irrésistible. A Paris, dans le Paris qui est avec un peu d'angoisse bien déguisée et d'angoisse qui se prépare à XXXIIIe Jeux olympiquesrevenant exactement 100 ans après l'édition de 1924, quelqu'un découvre que Un requin rôde dans la Seine. Et pas n’importe quel requin : un requin énorme et féroce. Un requin mutant. Et voici la première référence Sous Paris au patrimoine infini de l'imaginaire des film de requin: une référence concernant Deep Blue réalisé par Renny Harlin en 1999dont Xavier Gensréalisateur de ce film, reflète aussi un certain esprit de connard.
Deep Blue parlait d'un groupe de chercheurs effectuant des expériences sur requins mako, finissant par les rendre plus agressifs et plus intelligents avec les conséquences sanglantes de l'affaire ; ici dans Sous Parisnous embarquons à bord d'un navire de recherche qui navigue le long de la Continent plastique du Pacifique et qui étudie, et voilà, des makos. Suit en particulier un spécimen femelle, Lilithque l'équipe dirigée par Sophia mangera avec plaisir Bérénice Bejoparce qu’il est devenu plus gros que la normale, plus vorace, plus agressif.

Couper. Trois ans ont passé et Sophia travaille désormais en permanence à Paris. Elle est contactée par certains jeunes militants d'une association écologiste qui lui révèle ce qui est incroyable pour elle, et évident pour nous : Lilith nage dans la Seine, raconte le dispositif de localisation qu'elle porte toujours sur elle. Donc tout ce que Sophia a à faire c'est d'abord d'essayer de la convaincre. police fluviale de cette apparente absurdité (mais les makos du film sont des mutants, vous vous souvenez ?), puis, une fois qu'il a amené la police à ses côtés (notamment un certain policier), se tourne vers maire de Paris.
Et voici la deuxième référence, inévitable : celle du film dont sont issus tous les autres films sur les requins, Le requin De Steven Spielberg. Car, comme dans ce film, ici aussi évidemment, le maire, qui s'apprête à lancer le triathlon qui est l'apéritif des prochains JO, n'a pas l'intention de semer la panique, de gâcher la fête (« Paris est toujours une fête ! », s'exclame-t-il bavardement en entamant la nage qui va tourner au massacre), mettant en péril les investissements et les opérations marketing.

Idée folle et curieuse, deux références opposées qui fonctionnent pourtant bien ensemble, un choix intelligent pour le rôle du protagoniste, une utilisation moyennement insolite des catacombes de Paris (déjà le théâtre pourtant de Catacombes – Le monde des morts et Nécropole – La cité des morts), des effets spéciaux peu raffinés mais fonctionnels. Soyons réalistes : pour les amateurs du genre, Under Paris est un divertissement agréable. D’autant plus qu’il a de son côté deux cartes vraiment non triviales.
La première est la façon dont il présente les jeunes militants, vingt ans un peu fanatiques qui, il est vrai, mettent la vie d'un requin sur le même plan que celle de l'humain et qui, détails antispécistes mis à part, se comportent avec la stupidité qui est peut-être typique de cet âge, et qui est souvent caractéristique des militants les plus fanatiques. Dans Sous Paris ces requins de dernière génération très désagréables font une impression terrible, ne faisant pas le bon choix (pas même pour leur propre cause) et finissent par finir comme – narrativement, cinématographiquement – ils méritent pleinement. Pas une bonne fin.

L’avant-dernier atout joué par Xavier Genset ne gâchons pas trop de choses ici, c'est comment Under Paris vient de conclure ses événements: de manière numériquement spectaculaire, mais surtout bien peu de consolation. Car en fin de compte, ce que nous dit le film est une chose, simple et claire : nous vivons dans un monde où la stupidité – qu'elle soit celle fanatique d'un militantisme à courte vue ou celle opportuniste de la politique : ils sont égaux – ne fait que dominer et causer des dégâts, au détriment d'une minorité qui, de manière quelque peu de manière idéaliste, continue de vouloir considérer l'équilibre et la rationalité (et peut-être même le courage du sacrifice) qui sont la seule manière de sauver une situation qui apparaît désespérée à tous points de vue..

En réalité, cependant, il y a un fait à constater : dans la Seine, comme dans le Tibre ou le Pô, il n'y a pas de requins. Mais mettre en péril les triathlons et autres compétitions de natation en eau libre prévues pour les prochains Jeux olympiques sont deux autres menaces, non moins graves, voire plus encore : celle des bactéries liées à l'évacuation des eaux usées (Escherichia et Enterococcus), et celle des substances connus sous le nom de PFAS, qui proviennent de la dégradation de divers types de pesticides.